Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

Index | Accueil | Continuer

Revue spirite — Année IX — Septembre 1866.

(Langue portugaise)

LES FRÈRES DAVENPORT À BRUXELLES.

1. — Les frères Davenport viennent de passer quelque temps en Belgique où ils ont donné paisiblement leurs représentations ; nous avons de nombreux correspondants dans ce pays, et, ni par eux ni par les journaux, nous n’avons appris que ces messieurs y aient été en butte aux scènes regrettables qui ont eu lieu à Paris.  †  Est-ce que les Belges donneraient des leçons d’urbanité aux Parisiens ? On pourrait le croire en comparant les deux situations. Ce qui est évident, c’est qu’à Paris il y avait un parti pris d’avance, une cabale organisée coutre eux ; et la preuve en est, c’est qu’on les a attaqués avant de savoir ce qu’ils allaient faire, avant même qu’ils eussent commencé. Qu’on siffle celui qui échoue, qui ne tient pas ce qu’il annonce, c’est un droit qu’on achète partout où l’on paye en entrant ; mais qu’on le bafoue, qu’on l’insulte, qu’on le maltraite, qu’on brise ses instruments, avant même qu’il entre en scène, c’est ce qu’on ne se permettrait pas chez le dernier bateleur de la foire ; quelle que soit la manière dont on considère ces messieurs, de tels procédés sont sans excuse chez un peuple civilisé.

De quoi les accusait-on ? de se donner pour des médiums ; de prétendre qu’ils opéraient à l’aide des Esprits ? Si c’était de leur part un moyen frauduleux pour piquer la curiosité du public, qui est-ce qui avait le droit de s’en plaindre ? Ce sont les Spirites qui pouvaient trouver mauvais de voir mettre en parade une chose respectable. Or, qui est-ce qui s’est plaint ? qui a crié au scandale, à l’imposture et à la profanation ? Précisément ceux qui ne croient pas aux Esprits. Mais parmi ceux qui crient le plus haut qu’il n’y en a pas, qu’en dehors de l’homme il n’y a rien, à force d’entendre parler de manifestations, quelques-uns finissent, sinon par croire, du moins par craindre qu’il n’y ait quelque chose. La peur que les frères Davenport ne vinssent le prouver trop clairement a déchaîné contre eux une véritable colère, qui, si l’on avait eu la certitude qu’ils n’étaient que d’habiles faiseurs de tours, n’avait pas plus de raison d’être que celle qui serait dirigée contre le premier escamoteur venu. Oui, nous en sommes convaincu, la peur de les voir réussir a été la cause principale de cette hostilité qui avait devancé leur apparition en public, et préparé les moyens de faire avorter leur première séance.

Mais les frères Davenport n’ont été qu’un prétexte ; ce n’est pas à leur personne qu’on en voulait, c’est au Spiritisme auquel on a cru qu’ils pouvaient donner une sanction, et qui, au grand déplaisir de ses antagonistes, déjoue les effets de la malveillance par la prudente réserve dont il ne s’est jamais départi, malgré tout ce qu’on a fait pour l’en faire sortir. Pour bien des gens, c’est un véritable cauchemar. Il fallait bien peu le connaître pour croire que ces messieurs, en se plaçant dans des conditions qu’il désavoue, pouvaient lui servir d’auxiliaires. Ils ont cependant servi sa cause, mais c’est en faisant parler de lui à leur occasion, et la critique y a donné la main, sans le vouloir, en provoquant l’examen de la doctrine. Il est à remarquer que tout le bruit qui s’est fait autour du Spiritisme est l’œuvre de ceux mêmes qui voulaient l’étouffer. Quoi qu’on ait fait contre lui, il n’a jamais crié ; ce sont ses adversaires qui ont crié comme s’ils se croyaient déjà morts.

Nous extrayons de l’Office de publicité, journal de Bruxelles, qui, dit-on, tire à 25000, les passages suivants de deux articles publiés dans les nos des 8 et 22 juillet dernier sur les frères Davenport, ainsi que deux lettres de réfutation loyalement insérées dans ce même journal. Le sujet, quoique un peu usé, ne laisse pas d’avoir son côté instructif.


2. CHRONIQUE BRUXELLOISE.


« Il est bien vrai que tout arrive et qu’il ne faut pas dire : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. » Si l’on m’avait dit que je verrais jamais l’armoire des frères Davenport ni ces illustres sorciers, j’aurais été homme à jurer qu’il n’en serait rien, parce qu’il suffit qu’on me dise de quelqu’un qu’il est sorcier pour m’ôter toute curiosité à son égard. Le surnaturel et la sorcellerie n’ont pas d’ennemi plus entêté que moi. Je n’irais pas voir un miracle quand on le montrerait pour rien : ces choses-là m’inspirent le même éloignement que les veaux à deux têtes, les femmes à barbe et tous les monstres ; je trouve idiots les Esprits frappeurs et les guéridons savants, et il n’est pas de superstition qui ne me puisse faire fuir jusqu’au bout du monde. Jugez si, avec de telles dispositions, j’aurais pu aller grossir la foule chez les fières Davenport lorsqu’on les disait en commerce réglé avec les Esprits ! J’avoue que l’idée ne me serait pas venue non plus de démasquer leur supercherie, de briser leur armoire et de prouver qu’ils n’étaient réellement pas sorciers, car il me semble que j’aurais donné par là la preuve que j’avais cru moi-même à leurs pompes et à leurs œuvres. Il m’aurait paru infiniment plus simple d’écarter tout d’abord cette prétendue sorcellerie et de supposer qu’ayant trompé tant de gens ils devaient être des gens fort adroits en leurs exercices. Quant à comprendre, je ne m’en serais pas beaucoup mis en peine. Dès que les Esprits ne s’en mêlaient pas, à quoi bon ? Et s’il y eût eu d’assez pauvres Esprits en l’autre monde pour venir faire en celui-ci métier de compères, à quoi bon encore ?

« Je lus dans le temps avec beaucoup d’attention, encore que j’eusse de quoi mieux employer mon temps, la plupart des livres à l’usage des Spirites, et j’y trouvai tout ce qu’il fallait pour faire au besoin une religion nouvelle, mais non de quoi me convertir à cette vieille nouveauté. Tous les Esprits consultés, et dont on cite les réponses, n’ont rien dit qui n’eût été dit avant eux, et en de meilleurs termes qu’ils ne l’ont redit. Ils nous ont appris qu’il faut aimer le bien et détester le mal, que la vérité est le contraire du mensonge, que l’âme est immortelle, que l’homme doit tendre sans cesse à devenir meilleur, et que la vie est une épreuve, toutes choses qu’on savait déjà assez bien depuis plusieurs milliers d’années, et pour la révélation desquelles il était inutile d’évoquer tant d’illustres morts et jusqu’à des personnages qui, tout célèbres qu’ils sont aussi, ont pourtant le tort de n’avoir pas existé. Je ne parle pas même du Juif-Errant,  †  mais imaginez que j’aille évoquer don Quichotte  †  et qu’il revienne, cela ne sera-t-il pas du dernier plaisant ?

« Je n’avais plus qu’une seule objection au sujet des frères Davenport dès qu’ils n’étaient plus que d’habiles faiseurs de tours ; cette objection se résumait en ceci, que, tout Spiritisme écarté de bonne grâce et d’un commun accord, leurs exercices pouvaient bien n’être que médiocrement amusants. Il est probable que l’idée ne me serait pas venue d’aller les voir, si, l’offre m’étant obligeamment faite de m’y conduire, je n’avais considéré que chronique oblige, que tout n’est pas rose dans la vie et que le chroniqueur doit aller où va le public et s’ennuyer un peu, à charge de revanche. Résolu à faire les choses en conscience, j’allai d’abord dans la journée à la salle du Cercle artistique et littéraire, où l’on était occupé à monter la fameuse armoire. Je la vis, incomplète encore, à la lumière du jour, et dépouillée de toute sa « poésie. » S’il faut aux ruines la solitude et les ombres du soir, il faut aux « trucs » des prestidigitateurs, la lumière du gaz, la foule crédule et la distance. Mais les frères Davenport sont beaux joueurs et jouent cartes sur table. On pouvait voir, et entrait qui voulait. Un domestique yankee montait l’armoire avec tranquillité ; les guitares, les tambours de basque, les cordes, les sonnettes étaient là pêle-mêle avec des coffres, des habits, des morceaux de tapis, des toiles d’emballage ; le tout à l’abandon, à la merci du premier venu, et comme un défi à la curiosité. Cela semblait dire : Tournez, retournez, examinez, cherchez, épluchez, évertuez-vous ! vous ne saurez rien.

« Il n’y a rien de plus insolemment simple que l’armoire. C’est une armoire à linge, à habits, et qui n’a pas du tout l’air d’être fait pour loger des Esprits. Elle m’a paru de noyer ; elle a sur le devant trois portes au lieu de deux, et elle semble fatiguée des voyages qu’elle a faits ou des assauts qu’elle a subis. J’y jetai un coup d’œil, pas trop près, car, tout ouverte qu’elle était, je me figurais qu’un meuble si mystérieux devait sentir le renfermé, comme l’épinette magique dans laquelle on cachait Mozart tout enfant.

« Je déclare formellement qu’à moins d’y mettre mon linge ou mes habits, je n’aurais su que faire de l’armoire des frères Davenport. Chacun son métier. Je la revis le soir, isolée sur l’estrade, devant la rampe : elle avait déjà un air monumental. La salle était comble, comme elle ne le fut jamais les jours où Mozart, Beethoven et leurs interprètes firent seuls les frais de la soirée. Le plus beau public qu’on puisse avoir : les plus aimables, les plus spirituelles, les plus jolies femmes de Bruxelles, puis des conseillers de la Cour de cassation, des présidents politiques, judiciaires et littéraires ; toutes les académies, des sénateurs, des ministres, des représentants, des journalistes, des artistes, des entrepreneurs de bâtisse, des ébénisses, « que c’était comme un bouquet de fleurs ! » L’honorable M. Rogier, ministre des affaires étrangères, était à cette soirée, où lui tenait compagnie un ancien président de la Chambre. M. Vervoort, qui, revenu des grandeurs humaines, n’a conservé que la présidence du Cercle, charmante royauté d’ailleurs. A cette vue, je me sentis tout rassuré. Un de nos meilleurs peintres, M. Robie, fit écho à ma pensée en me disant : « Vous voyez ! L’Autriche et la Prusse peuvent se battre tant qu’elles voudront. Puisque la crise européenne ne trouble pas autrement notre ministre des affaires étrangères, c’est que la Belgique peut dormir en paix. » Cela me parut péremptoire, vous en jugerez de même, et, sachant que M. Rogier a assisté souriant à la soirée des frères Davenport, vous dormirez sur les deux oreilles. C’est ce que vous avez de mieux à faire.

« J’ai vu tous les exercices des frères Davenport, et je n’ai nullement cherché à en comprendre le mystère. Tout ce que je puis dire, sans songer le moins du monde à amoindrir leur succès, c’est qu’il m’est impossible de prendre le moindre plaisir à ces choses-là. Elles ne m’intéressent point. On a lié en ma présence les frères Davenport ; on les a même très bien liés, dit-on ; on leur a mis ensuite de la farine dans les mains, puis on les a enfermés dans leur armoire, on a baisé le gaz, et j’ai entendu dans l’armoire un grand bruit de guitares, de sonnettes et de tambours de basque. Tout d’un coup, l’armoire s’est ouverte — brusquement, un tambour de basque a roulé violemment jusqu’à mes pieds, et les frères Davenport ont paru, déliés, saluant le public et secouant devant lui la farine qu’on avait mise dans leurs mains. On a beaucoup applaudi ; voilà !

— Enfin, comment expliquez-vous cela ?

— Il y a des personnes au Cercle qui l’expliquent fort bien ; quant à moi, j’ai beau me battre les flancs là-dessus, je ne me sens absolument aucune envie de me l’expliquer. Ils se sont déliés, voilà tout, et le tour de la farine est fait adroitement. Je trouve les préparatifs longs, le bruit ennuyeux, et le tout peu divertissant. Et pas d’esprit, ni au singulier ni au pluriel.

— Ainsi, vous ne croyez point ?

— Si fait ; je crois à l’ennui que j’ai ressenti.

— Et le Spiritisme, y croyez-vous ?

— C’est la question de Sganarelle à don Juan.  †  Vous allez bientôt me demander si je crois au Moine-Bourru. Je vous répondrai, comme don Juan, que je crois que deux et deux font quatre et que quatre et quatre font huit. Encore ne sais-je point si, à voir ce qui se passe en Allemagne et ailleurs, je ne serais pas forcé de faire des réserves.

— Vous êtes donc un athée ?

— Non. Sans modestie, je suis l’homme le plus religieux de la terre.

— Ainsi vous croyez à Dieu, à l’immortalité de l’âme, à…

— J’y crois. C’est mon bonheur et mon espérance.

— Et tout cela se concilie avec vos : quatre et quatre font huit !

— Précisément. Tout est là-dedans. C’est une belle langue que le turc.

— Allez donc à la messe !

— Non. Mais je ne vous empêche pas d’y aller.

L’oiseau sur la branche, le ver luisant dans l’herbe, les globes dans l’espace et mon cœur plein d’adoration me chantent la messe nuit et jour. J’aime Dieu passionnément et sans crainte. Que voulez-vous que je fasse, avec cela, des religions et des autres variétés du davenportisme ?

— Et le Spiritisme, et Allan Kardec ?

— Je crois que M. Allan Kardec, qui ferait tout aussi bien de s’appeler de son vrai nom, est un aussi bon citoyen que vous et moi. Sa morale ne diffère point de la morale vulgaire, qui me suffit. Quant à ses révélations, j’aime autant l’armoire des Davenport, avec ou sans guitares. J’ai lu les révélations des Esprits ; leur style ne vaut pas celui de Bossuet, et, sauf les emprunts faits aux ouvrages des hommes illustres, il est lourd et souvent plat. Je ne voudrais pas écrire comme le plus fort de la bande : mon éditeur me dirait que le macaroni a du bon, mais qu’il ne faut pas en abuser. Le Spiritisme en est au surnaturel et aux dogmes, je me défie de ce bloc enfariné. Je l’ai dit il y a cinq ans en parlant de la doctrine, car c’est bien une doctrine : il y a là tout ce qu’il faut pour bâcler une religion nouvelle. Il vaudrait mieux être tout simplement religieux et s’en tenir aux révélations de l’univers.

« Je la vois poindre, cette religion. Elle est déjà une secte, et considérable, car vous ne pouvez vous imaginer le nombre et le sérieux des lettres que j’ai déjà reçues pour avoir effleuré dernièrement le Spiritisme. Il a ses fanatiques, il aura ses intolérants, ses prêtres, car le dogme prête à l’action intermédiaire, puisque les Esprits ont des rangs et des préférences. Sitôt qu’il y aura dix pour cent à gagner sur ce nouveau dogme, on lui verra un clergé. Je le crois destiné à hériter du catholicisme, en raison de ses côtés séduisants. Attendez seulement que les habiles s’en mêlent, et les prophètes et les évocateurs privilégiés pousseront au travers du mystère de la chose, qui est douce et poétique, comme les herbes parasites dans un champ de blé.

« Voici deux lettres qui m’ont été adressées. Elles viennent de per-sonnes loyales, naïves et convaincues ; c’est pour cela que je les publie.


« A M. Bertram.

« Il y a quatre ans, j’étais ce qu’on peut appeler un franc retardataire ; catholique sincère, je croyais aux miracles, au diable, à l’infaillibilité papale ; ainsi, j’aurais accepté sans marchander l’Encyclique de Pie IX  †  avec toutes ses conséquences dans l’ordre politique.

« Mais à quoi bon cette confession d’un inconnu ? me direz-vous. Ma foi, monsieur Bertram, je vais vous l’apprendre, au risque d’exciter votre verve railleuse ou de vous faire sauver jusqu’au bout du monde.

« J’ai vu un jour à Anvers  †  un guéridon (vulgairement appelé une table parlante) qui m’a répondu à une question mentale dans mon idiome natal, inconnu des assistants ; parmi ceux-ci il y avait des Esprits forts, des maçons qui ne croyaient ni à Dieu ni à l’âme ; la chose leur a donné à réfléchir, ils ont lu avec avidité les ouvrages spirites d’Allan Kardec, j’ai fait comme eux, surtout quand plusieurs prêtres m’eurent assuré que ces phénomènes étaient exclusivement l’œuvre du… démon, et je vous assure, moi, que je n’ai pas regretté le temps que cela m’a coûté, bien au contraire. J’ai trouvé dans ces livres non-seulement une solution rationnelle et toute naturelle du phénomène ci-dessus, mais une issue à bien des questions, à bien des problèmes que je m’étais posés dans le temps ; vous y avez trouvé matière à une religion nouvelle, mais croyez-vous, monsieur Bertram, qu’il y aurait un grand mal à cela, le cas échéant ? Le catholicisme est-il tellement en rapport avec les besoins de notre société qu’il ne puisse être ni rajeuni ni remplacé avantageusement ? Ou bien croyez-vous que l’humanité puisse se passer de toute croyance religieuse ? Le libéralisme proclame de beaux principes, mais il est en grande partie septique et matérialiste ; dans ces conditions il ne ralliera jamais à lui les masses, aussi peu que le catholicisme ultramontain ; si le Spiritisme est appelé à devenir un jour une religion, ce sera la religion naturelle bien développée et bien comprise, et celle-ci certainement n’est pas nouvelle ; c’est comme vous dites : une vieille nouveauté ; mais c’est aussi un terrain neutre où toutes les opinions, tant politiques que religieuses, pourront se tendre un jour la main.

« Quoi qu’il en soit, depuis que je suis devenu Spirite, quelques méchantes langues m’accusent d’être devenu libre penseur ; il est vrai qu’à partir de cette époque, de même que les Esprits forts dont je parlais ci-dessus, je ne crois plus au surnaturel ni au diable ; mais par contre nous croyons tous un peu plus à Dieu, à l’immortalité de l’âme, à la pluralité des existences ; enfants du dix-neuvième siècle, nous avons aperçu une route sûre et nous voulons y pousser le char du progrès au lieu de le retarder. Vous voyez donc que le Spiritisme a encore du bon, s’il peut opérer de tels changements. — Et maintenant, pour en venir aux frères Davenport, on aurait tort de fuir des expériences, ou de conclure avec parti pris contre elles, par là même qu’elles sont nouvelles ; plus les faits qu’on nous présente sont extraordinaires, plus ils méritent d’être observés consciencieusement et sans idées préconçues, car, qui pourrait se flatter de connaître tous les secrets de la nature ? Je n’ai jamais vu les frères Davenport, mais j’ai lu ce que la presse française a écrit sur leur compte, et j’ai été étonné de la mauvaise foi qu’elle y a mise. Les amateurs pourront lire avec fruit : Des forces naturelles inconnues, par Hermès. (Paris, Didier, 1865) n ; c’est une réfutation au point de vue de la science des critiques dirigées contre eux. S’il est vrai que ces messieurs ne se donnent pas pour Spirites et qu’ils ne connaissent pas la doctrine, le Spiritisme n’a pas à prendre leur défense ; tout ce qu’on peut dire, c’est que des faits pareils à ceux qu’ils présentent sont possibles en vertu d’une loi naturelle aujourd’hui connue et par l’intervention d’Esprits inférieurs ; seulement, jusqu’ici ces faits ne s’étaient pas encore produits dans des conditions aussi peu favorables, à des heures fixes et avec autant de régularité.

« J’espère, monsieur, que vous accueillerez ces observations désintéressées et que vous leur donnerez l’hospitalité dans votre journal ; puissent-elles contribuer à élucider une question plus intéressante pour vos lecteurs que vous ne pourriez le supposer.

« Votre abonné,

« H. Vanderyst. »


« La voilà publiée ! on ne m’accusera pas de mettre « la lumière sous le boisseau. »

« D’abord, je n’ai pas de boisseau ; ensuite, sans l’ombre de raillerie, je ne vois pas trop ici la lumière. Jamais je n’ai fait d’objection à la morale du Spiritisme ; elle est pure. Les Spirites sont honnêtes et bienfaisants, leurs dons pour les crèches me l’ont prouvé. S’ils tiennent à leurs Esprits supérieurs et inférieurs, je n’y vois point d’inconvénient. C’est une affaire entre leur instinct et leur raison.

« Il y a un post-scriptum à la lettre, le voici :

« Permettez que j’appelle votre attention sur un ouvrage qui vient d’avoir les honneurs de l’Index n : La pluralité des existences de l’âme, par Pezzani, avocat, où cette question est traitée en dehors de la révélation spirite. »

« Passons à l’autre lettre :


(Suit une seconde lettre dans le même sens que la précédente, et qui se termine ainsi :)

« J’ai la conviction que, le jour où la presse se mêlera de développer tout ce que le Spiritisme renferme de beau, le monde fera des progrès immenses, moralement. Rendre sensible à l’homme que chacun porte en soi la vraie religion, la conscience, le laisser en présence de lui-même pour répondre de ses actes devant l’Être suprême, quelle chose importante ! Ne serait-ce pas tuer le matérialisme qui fait tant de mal dans le monde ? Ne serait-ce pas une barrière contre l’orgueil, l’ambition, l’envie, toutes choses qui rendent les hommes malheureux ? Apprendre à l’homme qu’il doit faire le bien pour mériter sa récompense : il y a certainement des hommes qui sont convaincus de tout cela, mais combien sur la généralité ? Et on peut apprendre tout cela à l’homme ; pour ma part, j’ai évoqué mon père, et d’après les réponses que j’ai reçues, le doute n’est plus possible.

« Si j’avais le bonheur de manier la plume comme vous, je traiterais le Spiritisme comme appelé à nous inculquer une morale douce et agréable. Mon premier article aurait pour titre : Le Spiritisme, ou la destruction de tout fanatisme. La chute des Jésuites et de tous ceux qui vivent de la crédulité de l’homme. On puise toutes ces idées dans l’excellent livre d’Allan Kardec. Que je voudrais que vous eussiez ma manière d’envisager le Spiritisme ! Comme vous feriez du bien pour le moral ! Mais, mon cher Bertram, comment avez-vous pu trouver du surnaturel, de la sorcellerie dans le Spiritisme ? Je ne trouve pas plus extraordinaire que nous communiquions avec nos parents et nos amis passés dans un autre monde, au moyen du fluide qui nous met en rapport avec eux, que je ne trouve extraordinaire que nous communiquions avec nos frères de ce globe à des distances fabuleuses au moyen du fil électrique ! »


***

Le tout publié sans observation et sans commentaire, pour prouver seulement que le Spiritisme a en Belgique des partisans ardents en leur foi. La secte fait positivement des progrès, et le catholicisme aura bientôt à compter avec elle.

« La presse parisienne n’a pas été de mauvaise foi avec les frères Davenport ; ce qui le fait bien voir, c’est que ceux-ci n’affichent plus de prétentions au surnaturel. Ils ne donnent plus de séances à cinquante francs par tête, du moins que je sache ; je crois cependant que les personnes qui voudraient payer leur place à ce prix-là ne seraient pas mal reçues. Pour conclure, j’affirme que leurs exercices ne me semblent pas faits pour exercer une grande influence sur l’avenir des sociétés humaines.

« BERTRAM. »


3. — Après les deux lettres qu’on vient de lire, nous n’aurons que peu de chose à dire sur cet article ; sa modération contraste avec l’acrimonie de la plupart de ceux qui ont été écrits jadis sur le même sujet. L’auteur, au moins, ne conteste pas aux Spirites le droit d’avoir une opinion qu’il respecte, quoique ne la partageant pas ; à l’encontre de certains apôtres du progrès, il reconnaît que la liberté de conscience est pour tout le monde ; c’est déjà quelque chose. Il convient même que les Spirites ont du bon et sont de bonne foi. Il constate enfin les progrès de la doctrine et avoue qu’elle a un côté séduisant. Nous ne ferons donc que de courtes observations.

M. Bertram veut bien nous tenir pour un aussi bon citoyen que lui, et nous l’en remercions ; mais il ajoute que nous ferions tout aussi bien de nous appeler de notre vrai nom. Nous nous permettrons à notre tour de lui demander pourquoi il signe ses articles Bertram, au lieu de Eugène Landois, ce qui n’ôte rien à ses qualités personnelles, car nous savons qu’il est le principal organisateur de la crèche de Saint-Josse-Tennoode,  †  dont il s’occupe avec la plus louable sollicitude.

Si M. Bertram avait lu les livres spirites avec autant d’attention qu’il le dit, il saurait si les Spirites sont assez simples pour évoquer le Juif-Errant  †  et don Quichotte  †  ; il saurait ce que le Spiritisme accepte et ce qu’il désavoue ; il n’affecterait pas de le présenter comme une religion, car, au même titre, toutes les philosophies seraient des religions, puisqu’il est de leur essence de discuter les bases mêmes de toutes les religions : Dieu, et la nature de l’âme. Il comprendrait enfin que si jamais le Spiritisme devenait une religion, il ne pourrait se faire intolérant sans renier son principe qui est la fraternité universelle, sans distinction de secte et de croyance ; sans abjurer sa devise : Hors la charité point de salut,  ( † ) symbole le plus explicite de l’amour du prochain, de la tolérance et de la liberté de conscience. Jamais il ne dit : « Hors le Spiritisme point de salut. » Si une religion s’entait sur le Spiritisme à l’exclusion de ces principes, ce ne serait plus du Spiritisme.

Le Spiritisme est une doctrine philosophique qui touche à toutes les questions humanitaires ; par les modifications profondes qu’elle apporte dans les idées, elle fait envisager les choses à un autre point de vue ; delà, pour l’avenir, d’inévitables modifications dans les rapports sociaux ; c’est une mine féconde où les religions comme les sciences, comme les institutions civiles, puiseront des éléments de progrès ; mais de ce qu’elle touche à certaines croyances religieuses, elle ne constitue pas plus un culte nouveau qu’elle n’est un système particulier de politique, de législation ou d’économie sociale. Ses temples, ses cérémonies et ses prêtres sont dans l’imagination de ses détracteurs et de ceux qui ont peur de la voir devenir religion.

M. Bertram critique le style des Esprits et place le sien bien au-dessus : c’est son droit, et nous ne le lui disputerons pas. Nous ne lui contestons pas davantage ce point qu’en fait de morale les Esprits ne nous apprennent rien de nouveau ; cela prouve une chose, c’est que les hommes n’en sont que plus coupables de la pratiquer si peu. Faut-il donc s’étonner que Dieu, dans sa sollicitude, la leur répète sous toutes les formes ? Si, sous ce rapport, l’enseignement des Esprits est inutile, celui du Christ l’était également, puisqu’il n’a fait que développer les commandements du Sinaï ; les écrits de tous les moralistes sont pareillement inutiles, puisqu’ils ne font que dire la même chose en d’autres termes. Avec ce système-là, que de gens dont les travaux seraient inutiles ! sans y comprendre les chroniqueurs qui, par état, ne doivent rien inventer.

Il est donc convenu que la morale des Esprits est vieille comme le monde, ce qui n’a rien de surprenant, puisque la morale n’étant autre chose que la loi de Dieu, cette loi doit être de toute éternité, et que la créature ne peut rien ajouter à l’œuvre du Créateur. Mais n’y a-t-il rien de nouveau dans le mode d’enseignement ? Jusqu’à présent le code de morale n’avait été promulgué que par quelques individualités ; il a été reproduit dans des livres que tout le monde ne lit pas ou ne comprend pas. Eh bien ! aujourd’hui ce même code est enseigné, non plus par quelques hommes, mais par des millions d’Esprits, qui ont été des hommes, dans tous les pays, dans chaque famille, et pour ainsi dire à chaque individu. Croyez-vous que celui qui aura été indifférent à la lecture d’un livre, qui aura traité les maximes qu’il renferme de lieux communs, ne sera pas bien autrement impressionné si son père, sa mère, ou un être qui lui est cher et qu’il respecte, vient lui dire, fût-ce même dans un style inférieur à celui de Bossuet : « Je ne suis pas perdu pour toi comme tu l’as cru ; je suis là près de toi, je te vois et je t’entends, je te connais mieux que lorsque j’étais vivant, car je lis dans ta pensée ; pour être heureux dans le monde où je suis, voici la règle de conduite à suivre ; telle action est bonne et telle autre est mauvaise, etc. » Comme vous le voyez, c’est un enseignement direct, ou si vous aimez mieux, un nouveau moyen de publicité, d’autant plus efficace qu’il va droit au cœur ; qu’il ne coûte rien ; qu’il s’adresse à tout le monde, au petit comme au grand, au pauvre comme au riche, à l’ignorant comme au savant, et qu’il défie le despotisme humain qui voudrait y mettre une barrière.

Mais, direz-vous, cela est-il possible ? n’est-ce pas une illusion ? Ce doute serait naturel si de telles communications n’étaient faites qu’à un seul homme privilégié, car rien ne prouverait qu’il ne se trompe pas ; mais quand des milliers d’individus en reçoivent de pareilles tous les jours et dans tous les pays du monde, est-il rationnel de penser que tous sont hallucinés ? Si l’enseignement du Spiritisme était relégué dans les ouvrages spirites, il n’aurait pas conquis la centième partie des adeptes qu’il possède ; ces livres ne font que résumer et coordonner cet enseignement, et ce qui fait leur succès, c’est que chacun trouve en son particulier la confirmation de ce qu’ils renferment.

On sera fondé à dire que l’enseignement moral des Esprits est superflu, quand on aura prouvé que les hommes sont assez bons pour n’en avoir plus besoin ; jusque-là il ne faut pas s’étonner de le leur voir répéter sous toutes les formes et sur tous les tons.

Que m’importe, dites-vous, monsieur Bertram, qu’il y ait ou non des Esprits ! Il est possible que cela vous soit indifférent, mais il n’en est pas de même de tout le monde. C’est absolument comme si vous disiez : « Que m’importe qu’il y ait des habitants en Amérique, et que le câble électrique vienne me le prouver ! » Scientifiquement, c’est quelque chose que la preuve du monde invisible ; moralement, c’est beaucoup ; car les Esprits peuplant l’espace qu’on croyait inhabité, c’est la découverte de tout un monde, la révélation de l’avenir et de la destinée de l’homme, une révolution dans ses croyances ; or, si la chose existe, toute dénégation ne pourra l’empêcher d’exister. Ses résultats inévitables méritent bien qu’on s’en préoccupe. Vous êtes homme de progrès, et vous repoussez un élément de pro-grès ? un moyen d’améliorer l’humanité, de cimenter la fraternité entre les hommes ? une découverte qui conduit à la réforme des abus sociaux contre lesquels vous réclamez sans cesse ? Vous croyez à votre âme immortelle, et vous ne vous souciez nullement de savoir ce qu’elle devient, ce que sont devenus vos parents et vos amis ? Franchement, cela est peu rationnel. Ce n’est pas, direz-vous, dans l’armoire des frères Davenport que je le trouverai ; d’accord ; nous n’avons jamais dit que ce fût là du Spiritisme. Cependant, cette même armoire, précisément parce que, à tort ou à raison, on y a fait intervenir les Esprits, a fait beaucoup parler des Esprits, même ceux qui n’y croyaient pas ; de là des recherches et des études qu’on n’aurait pas faites si ces messieurs se fussent donnés pour de simples prestidigitateurs. Si les Esprits n’étaient pas dans leur armoire, ils ont bien pu provoquer ce moyen de faire sortir une foule de gens de leur indifférence. Vous voyez que vous-même, à votre insu, avez été poussé à semer l’idée parmi vos nombreux lecteurs, ce que vous n’auriez point fait sans cette fameuse armoire.

Quant aux vérités nouvelles qui ressortent des révélations spirites en dehors de la morale, nous renvoyons à l’article publié dans la Revue de janvier 1865 sous le titre de : Ce qu’apprend le Spiritisme.



[1] [Des Forces naturelles inconnues, à propos des phénomènes produits par les frères Davenport et par les médiums en général, étude critique par Hermès - Google Books.]


[2] [Index Librorum prohibitorun et expurgandorum.]


Il y a une image de ce article dans le service Google - Recherche de livres (Revue Spirite 1866).


Ouvrir