Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Œuvres posthumes — Première Partie.

(Langue portugaise)

Chapitre 18.


QUESTIONS ET PROBLÈMES.

Les expiations collectives.

1. Question. — Le Spiritisme nous explique parfaitement la cause des souffrances individuelles, comme conséquences immédiates des fautes commises dans l’existence présente, ou expiation du passé ; mais, puisque chacun ne doit être responsable que de ses propres fautes, on s’explique moins les malheurs collectifs qui frappent les agglomérations d’individus comme parfois toute une famille, toute une ville, toute une nation ou toute une race, et qui atteignent les bons comme les mauvais, les innocents comme les coupables.


Réponse. — Toutes les lois qui régissent l’univers, qu’elles soient physiques ou morales, matérielles ou intellectuelles, ont été découvertes, étudiées, comprises, en procédant de l’étude de l’individualité, et de celle de la famille à celle de tout l’ensemble, en généralisant graduellement, et en constatant l’universalité des résultats.

Il en est de même aujourd’hui pour les lois que l’étude du Spiritisme vous fait connaître ; vous pouvez appliquer, sans crainte d’errer, les lois qui régissent l’individu à la famille, à la nation, aux races, à l’ensemble des habitants des mondes, qui sont des individualités collectives. Il y a les fautes de l’individu, celles de la famille, celles de la nation, et chacune, quel que soit son caractère, s’expie en vertu de la même loi. Le bourreau expie envers sa victime, soit en se trouvant en sa présence dans l’espace, soit en vivant en contact avec elle dans une ou plusieurs existences successives jusqu’à la réparation de tout le mal commis. Il en est de même lorsqu’il s’agit de crimes commis solidairement par un certain nombre ; les expiations sont solidaires, ce qui n’anéantit pas l’expiation simultanée des fautes individuelles.

En tout homme, il y a trois caractères : celui de l’individu, de l’être en lui-même ; celui de membre de la famille, et enfin celui de citoyen ; sous chacune de ces trois faces, il peut être criminel ou vertueux, c’est-à-dire qu’il peut être vertueux comme père de famille, en même temps que criminel comme citoyen, et réciproquement ; de là les situations spéciales qui lui sont faites dans ses existences successives.

Sauf exception, on peut donc admettre comme règle générale que tous ceux qu’une tâche commune réunit dans une existence ont déjà vécu ensemble pour travailler au même résultat, et se trouveront encore réunis dans l’avenir jusqu’à ce qu’ils aient atteint le but, c’est-à-dire expié le passé, ou accompli la mission acceptée.

Grâce au Spiritisme, vous comprenez maintenant la justice des épreuves qui ne ressortent pas des actes de la vie présente, parce que vous vous dites que c’est l’acquit des dettes du passé ; pourquoi n’en serait-il pas de même des épreuves collectives ? Vous dites que les malheurs généraux frappent l’innocent comme le coupable ; mais ne savez-vous pas que l’innocent d’aujourd’hui peut avoir été le coupable d’hier ? Qu’il soit frappé individuellement ou collectivement, c’est qu’il l’a mérité. Et puis, comme nous l’avons dit, il y a les fautes de l’individu et du citoyen ; l’expiation des unes n’affranchit pas de l’expiation des autres, car il faut que toute dette soit payée jusqu’à la dernière obole. Les vertus de la vie privée ne sont pas celles de la vie publique ; tel qui est excellent citoyen peut être très mauvais père de famille, et tel qui est bon père de famille, probe et honnête dans ses affaires, peut être un mauvais citoyen, avoir soufflé le feu de la discorde, opprimé le faible, trempé la main dans des crimes de lèse-société. Ce sont ces fautes collectives qui sont expiées collectivement par les individus qui y ont concouru, lesquels se retrouvent pour subir ensemble la peine du talion, ou avoir l’occasion de réparer le mal qu’ils ont fait, en secourant et assistant ceux qu’ils avaient jadis maltraités. Ce qui est incompréhensible, inconciliable avec la justice de Dieu sans la préexistence de l’âme, devient clair et logique par la connaissance de cette loi.

La solidarité, qui est le véritable lien social, n’est donc pas seulement pour le présent ; elle s’étend dans le passé et dans l’avenir, puisque les mêmes individualités se sont trouvées, se retrouvent et se retrouveront pour gravir ensemble l’échelle du progrès, en se prêtant un secours mutuel. Voilà ce que fait comprendre le Spiritisme par l’équitable loi de la réincarnation et de la continuité des rapports entre les mêmes êtres.

Clélie Duplantier.


2. Remarque. — Bien que cette communication rentre dans les principes connus de la responsabilité du passé et de la continuité des rapports entre les Esprits, elle renferme une idée en quelque sorte neuve et d’une grande importance. La distinction qu’elle établit entre la responsabilité des fautes individuelles ou collectives, celles de la vie privée et de la vie publique, donne la raison de certains faits encore peu compris, et montre d’une manière plus précise la solidarité qui relie les êtres les uns aux autres et les générations entre elles.

Ainsi, souvent on renaît dans la même famille, ou du moins les membres d’une même famille renaissent ensemble pour en constituer une nouvelle dans une autre position sociale, afin de resserrer leurs liens d’affection, ou réparer leurs torts réciproques. Par des considérations d’un ordre plus général, on renaît souvent dans le même milieu, dans la même nation, dans la même race, soit par sympathie, soit pour continuer avec les éléments déjà élaborés les études que l’on a faites, se perfectionner, poursuivre des travaux commencés que la brièveté de la vie ou les circonstances n’ont pas permis d’achever. Cette réincarnation dans le même milieu est la cause du caractère distinctif des peuples et des races ; tout en s’améliorant, les individus conservent la nuance primitive jusqu’à ce que le progrès les ait complètement transformés.

Les Français d’aujourd’hui sont donc ceux du siècle dernier, ceux du moyen âge, ceux des temps druidiques ; ce sont les exacteurs et les victimes de la féodalité ; ceux qui ont asservi les peuples et ceux qui ont travaillé à leur émancipation, qui se retrouvent sur la France transformée, où les uns expient dans l’abaissement leur orgueil de race, et où les autres jouissent du fruit de leurs labeurs. Quand on songe à tous les crimes de ces temps où la vie des hommes et l’honneur des familles étaient comptés pour rien, où le fanatisme élevait des bûchers en l’honneur de la divinité, à tous les abus de pouvoir à toutes les injustices qui se commettaient au mépris des droits les plus sacrés, qui peut être certain de n’y avoir pas plus ou moins trempé les mains, et doit-on s’étonner de voir de grandes et terribles expiations collectives ?

Mais de ces convulsions sociales sort toujours une amélioration ; les esprits s’éclairent par l’expérience ; le malheur est le stimulant qui les pousse à chercher un remède au mal ; ils réfléchissent dans l’erraticité, prennent de nouvelles résolutions, et quand ils reviennent ils font mieux. C’est ainsi que s’accomplit le progrès, de génération en génération.

On ne peut douter qu’il y ait des familles, des villes, des nations, des races coupables parce que, dominées par les instincts d’orgueil, d’égoïsme, d’ambition, de cupidité, elles marchent dans une mauvaise voie et font collectivement ce qu’un individu fait isolément ; une famille s’enrichit aux dépens d’une autre famille ; un peuple subjugue un autre peuple, y porte la désolation et la ruine ; une race veut anéantir une autre race. Voilà pourquoi il y a des familles, des peuples et des races sur qui s’appesantit la peine du talion.

« Qui a tué par l’épée périra par l’épée », a dit le Christ ; ces paroles peuvent se traduire ainsi : Celui qui a répandu le sang verra le sien répandu ; celui qui a promené la torche de l’incendie chez autrui verra la torche de l’incendie se promener chez lui ; celui qui a dépouillé sera dépouillé ; celui qui asservit et maltraite le faible sera faible, asservi et maltraité à son tour, que ce soit un individu, une nation ou une race, parce que les membres d’une individualité collective sont solidaires du bien comme du mal qui se fait en commun.

Tandis que le Spiritisme élargit le champ de la solidarité, le matérialisme le réduit aux mesquines proportions de l’existence éphémère de l’homme ; il en fait un devoir social sans racines, sans autre sanction que la bonne volonté et l’intérêt personnel du moment ; c’est une théorie, une maxime philosophique, dont rien n’impose la pratique ; pour le Spiritisme, la solidarité est un fait reposant sur une loi universelle de la nature, qui relie tous les êtres du passé, du présent et de l’avenir, et aux conséquences de laquelle nul ne peut se soustraire. Voilà ce que tout homme peut comprendre, quelque peu lettré qu’il soit.

Quand tous les hommes comprendront le Spiritisme, ils comprendront la véritable solidarité, et, par suite, la véritable fraternité. La solidarité et la fraternité ne seront plus des devoirs de circonstance que l’on prêche bien souvent plus dans son propre intérêt que dans celui d’autrui. Le règne de la solidarité et de la fraternité sera forcément celui de la justice pour tous, et le règne de la justice sera celui de la paix, et de l’harmonie entre les individus, les familles, les peuples et les races. Y arrivera-t-on ? En douter serait nier le progrès. Si on compare la société actuelle, chez les nations civilisées, à ce qu’elle était au moyen âge, certes, la différence est grande ; si donc les hommes ont marché jusqu’ici, pourquoi s’arrêteraient-ils ? A voir le chemin qu’ils ont fait depuis un siècle seulement, on peut juger de celui qu’ils feront d’ici un autre siècle.

Les convulsions sociales sont les révoltes des Esprits incarnés contre le mal qui les étreint, l’indice de leurs aspirations vers ce même règne de la justice dont ils ont soif, sans toutefois se rendre un compte bien net de ce qu’ils veulent et des moyens d’y arriver ; c’est pourquoi ils se remuent, s’agitent, renversent à tort et à travers, créent des systèmes, proposent des remèdes plus ou moins utopiques, commettent même mille injustices, soi-disant par esprit de justice, espérant que de ce mouvement sortira peut-être quelque chose. Plus tard ils définiront mieux les aspirations, et la route s’éclaircira.

Quiconque va au fond des principes du Spiritisme philosophique, considère les horizons qu’il découvre, les idées qu’il fait naître et les sentiments qu’il développe, ne saurait douter de la part prépondérante qu’il doit avoir dans la régénération, car il conduit précisément, et par la force des choses, au but auquel aspire l’humanité : le règne de la justice par l’extinction des abus qui en ont arrêté les progrès, et par la moralisation des masses. Si ceux qui rêvent le maintien du passé ne le jugeaient pas ainsi, ils ne s’acharneraient pas autant après lui ; ils le laisseraient mourir de sa belle mort comme il en a été de maintes utopies. Cela seul devrait donner à penser à certains railleurs qu’il doit y avoir là quelque chose de plus sérieux qu’ils ne se l’imaginent. Mais il y a des gens qui rient de tout, qui riraient de Dieu s’ils le voyaient sur la terre. Puis il y a ceux qui ont peur de voir se dresser devant eux l’âme qu’ils s’obstinent à nier.

Quelque influence que doive un jour exercer le Spiritisme sur l’avenir des sociétés, ce n’est pas à dire qu’il substituera son autocratie à une autre autocratie, ni qu’il imposera des lois ; d’abord parce que, proclamant le droit absolu de la liberté de conscience et du libre examen en matière de foi, comme croyance il veut être librement accepté, par conviction et non par contrainte ; par sa nature, il ne peut ni ne doit exercer aucune pression ; proscrivant la foi aveugle, il veut être compris ; pour lui, il n’y a point de mystères, mais une foi raisonnée, appuyée sur les faits, et qui veut la lumière ; il ne répudie aucune des découvertes de la science, attendu que la science est le recueil des lois de la nature et que ces lois, étant de Dieu, répudier la science serait répudier l’œuvre de Dieu.

En second lieu, l’action du Spiritisme étant dans sa puissance moralisatrice, il ne peut affecter aucune forme autocratique, car alors il ferait ce qu’il condamne. Son influence sera prépondérante par les modifications qu’il apportera dans les idées, les opinions, le caractère, les habitudes des hommes et les rapports sociaux ; cette influence sera d’autant plus grande qu’elle ne sera pas imposée. Le Spiritisme, puissant comme philosophie, ne pourrait que perdre, dans ce siècle de raisonnement, à se transformer en puissance temporelle. Ce n’est donc pas lui qui fera les institutions sociales du monde régénéré ; ce sont les hommes qui les feront sous l’empire des idées de justice, de charité, de fraternité et de solidarité mieux comprises par l’effet du Spiritisme.

Le Spiritisme, essentiellement positif dans ses croyances, repousse tout mysticisme, à moins qu’on n’étende ce nom, comme le font ceux qui ne croient en rien, à toute idée spiritualiste, à la croyance en Dieu, en l’âme et en la vie future. Il porte certainement les hommes à s’occuper sérieusement de la vie spirituelle, parce que c’est la vie normale, et que c’est là que doivent s’accomplir leurs destinées, puisque la vie terrestre n’est que transitoire et passagère ; par les preuves qu’il donne de la vie spirituelle, il leur apprend à n’attacher aux choses de ce monde qu’une importance relative, et par là leur donne la force et le courage pour supporter patiemment les vicissitudes de la vie terrestre ; mais en leur apprenant qu’en mourant ils ne quittent pas ce monde sans retour ; qu’ils peuvent y revenir perfectionner leur éducation intellectuelle et morale, à moins qu’ils ne soient assez avancés pour mériter d’aller dans un monde meilleur ; que les travaux et les progrès qu’ils y accomplissent, ou y font accomplir, leur profiteront à eux-mêmes, en améliorant leur position future, c’est leur montrer qu’ils ont tout intérêt à ne pas le négliger ; s’il leur répugne d’y revenir, comme ils ont leur libre arbitre, il dépend d’eux de faire ce qu’il faut pour aller ailleurs ; mais qu’ils ne se méprennent pas sur les conditions qui peuvent leur mériter un changement de résidence ! Ce n’est pas à l’aide de quelques formules en paroles ou en action qu’ils l’obtiendront, mais par une réforme sérieuse et radicale de leurs imperfections ; c’est en se modifiant, en se dépouillant de leurs mauvaises passions, en acquérant chaque jour de nouvelles qualités ; en enseignant à tous, par l’exemple, la ligne de conduite qui doit amener solidairement tous les hommes au bonheur par la fraternité, la tolérance et l’amour.

L’humanité se compose de personnalités qui constituent les existences individuelles, et des générations qui constituent les existences collectives. Les unes et les autres marchent au progrès par des phases variées d’épreuves, qui sont ainsi, individuelles pour les personnes, et collectives pour les générations. De même que pour l’incarné chaque existence est un pas en avant, chaque génération marque une étape du progrès pour l’ensemble : c’est ce progrès de l’ensemble qui est irrésistible, et entraîne les masses en même temps qu’il modifie et transforme en instrument de régénération les erreurs et les préjugés d’un passé appelé à disparaître. Or, comme les générations sont composées des individus qui ont déjà vécu dans les générations précédentes, le progrès des générations est ainsi la résultante du progrès des individus.

Mais qui me démontrera, dira-t-on peut-être, la solidarité qui existe entre la génération actuelle et les générations qui l’ont précédée ou qui la suivront ? Comment pourrait-on me prouver que j’ai vécu au moyen âge, par exemple, et que je reviendrai prendre part aux événements qui s’accompliront dans la suite des temps ?

Le principe de la pluralité des existences a été assez souvent démontré dans la revue, et dans les ouvrages fondamentaux de la doctrine, pour que nous ne nous y arrêtions pas ici ; l’expérience et l’observation des faits de la vie journalière fourmillent de preuves physiques d’une démonstration presque mathématique. Nous engageons seulement les penseurs à s’attacher aux preuves morales résultant du raisonnement et de l’induction.

Est-il absolument nécessaire de voir une chose pour y croire ? En voyant des effets, ne peut-on avoir la certitude matérielle de la cause ?

En dehors de l’expérimentation, la seule voie légitime qui s’ouvre à cette recherche consiste à remonter de l’effet à la cause. La justice nous offre un exemple bien remarquable de ce principe, lorsqu’elle s’applique à découvrir les indices des moyens qui ont servi à la perpétration d’un crime, les intentions qui ajoutent à la culpabilité du malfaiteur. On n’a pas pris ce dernier sur le fait, et cependant il est condamné sur ces indices.

La science, qui ne prétend marcher que par expérience, affirme tous les jours des principes qui ne sont que des inductions des causes dont elle n’a vu que les effets.

En géologie on détermine l’âge des montagnes ; les géologues ont-ils assisté à leur soulèvement, ont-ils vu se former les couches de sédiment qui déterminent cet âge ?

Les connaissances astronomiques, physiques et chimiques permettent d’apprécier le poids des planètes, leur densité, leur volume, la vitesse qui les anime, la nature des éléments qui les composent ; cependant les savants n’ont pu faire d’expérience directe, et c’est à l’analogie et à l’induction que nous devons tant de belles et précieuses découvertes.

Les premiers hommes, sur le témoignage de leurs sens, affirmaient que c’est le soleil qui tourne autour de la terre. Cependant, ce témoignage les trompait et le raisonnement a prévalu.

Il en sera de même pour les principes préconisés par le Spiritisme dès qu’on voudra bien les étudier sans parti pris, et c’est alors que l’humanité entrera véritablement et rapidement dans l’ère de progression et de régénération, parce que les individus ne se sentant plus isolés entre deux abîmes, l’inconnu du passé et l’incertitude de l’avenir, travailleront avec ardeur à perfectionner et à multiplier des éléments de bonheur qui sont leur œuvre ; parce qu’ils reconnaîtront qu’ils ne tiennent pas du hasard la position qu’ils occupent dans le monde, et qu’ils jouiront eux-mêmes dans l’avenir et dans les meilleures conditions, des fruits de leurs labeurs et de leurs veilles. C’est qu’enfin le Spiritisme leur apprendra que si les fautes commises collectivement sont expiées solidairement, les progrès accomplis en commun sont également solidaires et c’est en vertu de ce principe que disparaîtront les dissensions des races, des familles et des individus, et que l’humanité dépouillée des langes de l’enfance, marchera rapidement et virilement à la conquête de ses véritables destinées.


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