Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Œuvres posthumes — Première Partie.

(Langue portugaise)

Chapitre 5.


CAUSE ET NATURE DE LA CLAIRVOYANCE SOMNAMBULIQUE.

Explication du phénomène de la lucidité.

Les perceptions qui ont lieu dans l’état somnambulique, étant d’une autre nature que celles de l’état de veille, ne peuvent être transmises par les mêmes organes. Il est constant que, dans ce cas, la vue ne s’effectue pas par les yeux, qui sont d’ailleurs généralement clos et que l’on peut même mettre à l’abri des rayons lumineux de manière à écarter tout soupçon. La vue à distance et à travers les corps opaques exclut, en outre, la possibilité de l’usage des organes ordinaires de la vision. Il faut donc, de toute nécessité, admettre dans l’état de somnambulisme le développement d’un sens nouveau, siège de facultés et de perceptions nouvelles qui nous sont inconnues et dont nous ne pouvons nous rendre compte que par analogie et par raisonnement. A cela, on le conçoit, rien d’impossible ; mais quel est le siège de ce sens ? C’est ce qu’il n’est pas facile de déterminer avec exactitude. Les somnambules eux-mêmes ne donnent à cet égard aucune indication précise. Il en est qui, pour mieux voir, appliquent les objets sur l’épigastre, d’autres sur le front, d’autres à l’occiput. Ce sens ne paraît donc pas circonscrit dans un endroit déterminé ; il est certain pourtant que sa plus grande activité réside dans les centres nerveux. Ce qui est positif c’est que le somnambule voit. Par où et comment ? C’est ce qu’il ne peut définir lui-même.

Remarquons toutefois que, dans l’état somnambulique, les phénomènes de la vision et les sensations qui l’accompagnent sont essentiellement différents de ce qui a lieu dans l’état ordinaire ; aussi ne nous servirons-nous du mot voir que par comparaison, et faute d’un terme qui nous manque naturellement pour une chose inconnue. Un peuple d’aveugles de naissance n’aurait point de mot pour exprimer la lumière, et rapporterait les sensations qu’elle fait éprouver à quelqu’une de celles qu’il comprend, parce qu’il y est soumis.

On cherchait à expliquer à un aveugle l’impression vive et éclatante de la lumière sur les yeux. Je comprends, dit- il, c’est comme le son de la trompette. Un autre, un peu plus prosaïque sans doute, à qui l’on voulait faire comprendre l’émission des rayons en faisceaux ou cônes lumineux, répondit : Ah ! oui, c’est comme un pain de sucre. Nous sommes dans les mêmes conditions à l’égard de la lucidité somnambulique ; nous sommes de véritables aveugles, et, comme ces derniers pour la lumière, nous la comparons à ce qui, pour nous, a le plus d’analogie avec notre faculté visuelle ; mais si nous voulons établir une analogie absolue entre ces deux facultés et juger l’une par l’autre, nous nous trompons nécessairement, comme les deux aveugles que nous venons de citer. C’est là le tort de presque tous ceux qui cherchent soi-disant à se convaincre par l’expérience ; ils veulent soumettre la clairvoyance somnambulique aux mêmes épreuves que la vue ordinaire, sans songer qu’il n’y a de rapports entre elles que le nom que nous leur donnons, et comme les résultats ne répondent pas toujours à leur attente, ils trouvent plus simple de nier.

Si nous procédons par analogie, nous dirons que le fluide magnétique, répandu dans toute la nature et dont les corps animés paraissent être les principaux foyers, est le véhicule de la clairvoyance somnambulique, comme le fluide lumineux est le véhicule des images perçues par notre faculté visuelle. Or, de même que le fluide lumineux rend transparents les corps qu’il traverse librement, le fluide magnétique pénétrant tous les corps sans exception, il n’y a point de corps opaques pour les somnambules. Telle est l’explication la plus simple et la plus matérielle de la lucidité, en parlant à notre point de vue. Nous la croyons juste, car le fluide magnétique joue incontestablement un rôle important dans ce phénomène ; mais elle ne saurait rendre compte de tous les faits. Il en est une autre qui les embrasse tous, mais pour laquelle quelques explications préliminaires sont indispensables.

Dans la vue à distance, le somnambule ne distingue pas un objet au loin comme nous pourrions le faire à travers une lorgnette. Ce n’est point cet objet qui se rapproche de lui par une illusion d’optique, C’EST LUI QUI SE RAPPROCHE DE L’OBJET. Il le voit précisément comme s’il était à côté de lui ; il se voit lui-même dans l’endroit qu’il observe ; en un mot, il s’y transporte. Son corps, dans ce moment, semble anéanti, sa parole est plus sourde, le son de sa voix a quelque chose d’étrange ; la vie animale parait s’éteindre en lui ; la vie spirituelle est tout entière au lieu où sa pensée le transporte ; la matière seule reste à la même place. Il y a donc une portion de notre être qui se sépare de notre corps pour se transporter instantanément à travers l’espace, conduite par la pensée et la volonté. Cette portion est évidemment immatérielle, autrement elle produirait quelques-uns des effets de la matière : c’est cette partie de nous-mêmes que nous appelons l’âme.

Oui, c’est l’âme qui donne au somnambule les facultés merveilleuses dont il jouit ; l’âme qui, dans des circonstances données, se manifeste en s’isolant en partie et momentanément de son enveloppe corporelle. Pour quiconque a observé attentivement les phénomènes du somnambulisme dans toute leur pureté, l’existence de l’âme est un fait patent, et l’idée que tout finit en nous avec la vie animale est pour lui un non-sens démontré jusqu’à l’évidence ; aussi peut-on dire avec quelque raison que le magnétisme et le matérialisme sont incompatibles ; s’il est quelques magnétiseurs qui paraissent s’écarter de cette règle et qui professent les doctrines matérialistes, c’est qu’ils n’ont fait sans doute qu’une étude très superficielle des phénomènes physiques du magnétisme et qu’ils n’ont pas cherché sérieusement la solution du problème de la vue à distance. Quoi qu’il en soit, nous n’avons jamais vu un seul somnambule qui ne fût pénétré d’un profond sentiment religieux, quelles que pussent être ses opinions à l’état de veille.

Revenons à la théorie de la lucidité. L’âme étant le principe des facultés du somnambule, c’est en elle que réside nécessairement la clairvoyance, et non dans telle ou telle partie circonscrite de notre corps. C’est pourquoi le somnambule ne peut désigner l’organe de cette faculté comme il désignerait l’œil pour la vue extérieure : il voit par son être moral tout entier, c’est-à-dire par toute son âme, car la clairvoyance est un des attributs de toutes les parties de l’âme, comme la lumière est un des attributs de toutes les parties du phosphore. Partout donc où l’âme peut pénétrer, il y a clairvoyance ; de là la cause de la lucidité des somnambules à travers tous les corps, sous les enveloppes les plus épaisses et à toutes les distances.

Une objection se présente naturellement à ce système, et nous devons nous hâter d’y répondre. Si les facultés somnambuliques sont celles mêmes de l’âme dégagée de la matière, pourquoi ces facultés ne sont-elles pas constantes ? Pourquoi certains sujets sont-ils plus lucides que d’autres ? Pourquoi la lucidité est-elle variable chez le même sujet ? On conçoit l’imperfection physique d’un organe ; on ne conçoit pas celle de l’âme.

L’âme tient au corps par des liens mystérieux qu’il ne nous avait pas été donné de connaître avant que le Spiritisme ne nous eût démontré l’existence et le rôle du périsprit. Cette question ayant été traitée d’une manière spéciale dans la Revue et dans les ouvrages fondamentaux de la doctrine, nous ne nous y arrêterons pas davantage ici ; nous nous bornerons à dire que c’est par nos organes matériels que l’âme se manifeste à l’extérieur. Dans notre état normal, ces manifestations sont naturellement subordonnées à l’imperfection de l’instrument, de même que le meilleur ouvrier ne peut faire un ouvrage parfait avec de mauvais outils. Quelque admirable que soit donc la structure de notre corps, quelle qu’ait été la prévoyance de la nature à l’égard de notre organisme pour l’accomplissement des fonctions vitales, il y a loin de ces organes soumis à toutes les perturbations de la matière, à la subtilité de notre âme. Aussi longtemps donc que l’âme tient au corps, elle en subit les entraves et les vicissitudes.

Le fluide magnétique n’est point l’âme, c’est un lien, un intermédiaire entre l’âme et le corps ; c’est par son plus ou moins d’action sur la matière qu’il rend l’âme plus ou moins libre ; de là, la diversité des facultés somnambuliques. Le somnambule, c’est l’homme qui n’est débarrassé que d’une partie de ses vêtements, et dont les mouvements sont encore gênés par ceux qui lui restent.

L’âme n’aura sa plénitude et l’entière liberté de ses facultés que lorsqu’elle aura secoué les derniers langes terrestres, comme le papillon sorti de sa chrysalide. Si un magnétiseur était assez puissant pour donner à l’âme une liberté absolue, le lien terrestre serait rompu et la mort en serait la conséquence immédiate. Le somnambulisme nous fait donc mettre un pied dans la vie future ; il écarte un coin du voile sous lequel se cachent les vérités que le Spiritisme nous fait entrevoir aujourd’hui ; mais nous ne la connaîtrons dans son essence que lorsque nous serons entièrement débarrassés du voile matériel qui l’obscurcit ici-bas.


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